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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 22:36

La nuit est un monde décidément étrange.

Tout est noir, les bruits sont feutrés, le reflet des petites lueurs de nos appareils modernes apparaît sur les murs tel un feu follet verdâtre, et même les plus gros trains de marchandise donnent l'impression de rouler dans la neige.

Au loin, profondément ancré dans mon sommeil, j'entends un animal féroce rugir soudainement, puis il continue dans une sorte de hululement qui cherche sa note ultime sans jamais la trouver.

Quelques bruits de pas sur le plancher qui craque, vieux et sec comme pas mon cœur.

Je sens le matelas s'affaisser derrière moi, puis une petite forme chaude se blottir contre mon dos, tel un monstre imaginaire qui profiterait d'un cauchemar pour exister et s'attaquer enfin à moi, réveillant mes peurs d'enfant.

Je n'ose bouger, et de toutes façons mes muscles et mon cerveau sont bien trop engourdis pour esquisser le moindre mouvement.

Je me contente de me raidir, de verrouiller ma position au bord du précipice que représentent les 60 centimètres séparant le haut du lit du plancher, qui je pense me semblerait bien dur à cette heure tardive ou très matinale, on ne le sait pas encore à cet instant précis.

Toujours dormant, mais moins à l'aise, apeuré à la fois par le risque de chute et celui de déchaîner la colère de l'animal si mes gestes venaient à l'écraser, ne serait-ce que légèrement, je tente de reprendre le cours de mes songes, de me détendre à nouveau tout en restant sur le qui-vive.

Tout doucement, j'y arrive.

Je respire profondément à deux ou trois reprises, et le sommeil profond revient malgré la petite voix perchée dans mon crâne qui continue d'attirer mon attention sur ma position bien précaire, entre gamelle et attaque sournoise dont je suis toujours susceptible d'être victime.

Et alors que c'est au tour du plafond de craquer légèrement, ce bruit semble effrayer la petite bête qui, dans un réflexe de sauvegarde inné plante sauvagement une griffe entre mes deux omoplates, tel un alpiniste qui de toutes ses forces frapperait de son piolet une paroi en pleine ascension si une chute de pierres venait à s'annoncer au dessus de sa cordée.

Ho non, toi, petite chose cruelle, tu ne tomberas pas.

Calée entre ta mère et moi le risque zéro est proche même si la détermination avec laquelle ton ongle pointu reste planté en moi en dit long sur tes angoisses.

J'essaie d'étouffer un cri de surprise et de douleur, puis tout autant que le retour du dodo qui ne viendra jamais, j'attends que les endorphines agissent...

Finalement, même si je dois encore garder la scabreuse posture deux bonnes heures avant que le coq ne chante et que le début de ma journée d'esclave ne se transforme en liberté retrouvée, je m'habitue.

Je trouve ça mignon à force, et ce malgré le fait que tu remues régulièrement le couteau dans les chairs à la manière d'un légionnaire souhaitant occire définitivement sa proie.

Lorsque le gallinacé s'égosille enfin, je me laisse tomber sur les lattes de chêne dont les échardes caressent mes cuisses, me relève tout doucement avec l'impression d'avoir une plaie béante sur la dorsale numéro 3, et quitte cet adorable moment de douleur à regret pour aller affronter les petites nappes de brouillard que seuls les forçats matinaux ou nocturnes connaissent.

Je trouve même la force de t'embrasser avant de partir et de sourire bêtement devant tes yeux fermés que je sais si bleus et taquins.

Tu as vraiment de la chance qu'on t'aime, sale gosse !

 

Verbal Dad.

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commentaires

T
On en veut encore traité de cette manière. Merci.
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I
Je vous approuve pour votre recherche. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez
Répondre

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  • : Sans autre prétention que l'étalage de mes états d'âme, ce blog se contente de remplacer le petit cahier sur lequel j'écrivais quand j'étais petit, à l'époque où le web s'appelait encore minitel... Un seul mot d'ordre : ne croyez pas tout ce que vous lisez... Bienvenu(es) chez moi... Verbal K.
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